Lettre sur la tolérance, Locke

Publié le 25 janv. 2018 il y a 6A par blablacarrr - Fin › 28 janv. 2018 dans 6A
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Sujet du devoir

(Reposté)

Voici le texte:

« J'avoue qu'il me paraît fort étrange (et je ne crois pas être le seul de mon avis), qu'un homme qui souhaite avec ardeur le salut de son semblable, le fasse expirer au milieu des tourments, lors même qu'il n'est pas converti. Mais il n'y a personne, je m'assure, qui puisse croire qu'une telle conduite parte d'un fond de charité, d'amour ou de bienveillance. Si quelqu'un soutient qu'on doit contraindre les hommes, par le fer et par le feu, à recevoir de certains dogmes, et à se conformer à tel ou tel culte extérieur, sans aucun égard à leur manière de vivre ; si, pour convertir ceux qu'il suppose errants dans la foi, il les réduit à professer de bouche ce qu'ils ne croient pas, et qu'il leur permette la pratique des choses mêmes que l'Évangile défend; on ne saurait douter qu'il n'ait envie de voir une assemblée nombreuse unie dans la même profession que lui. Mais que son but principal soit de composer par là une Église vraiment chrétienne, c'est ce qui est tout à fait incroyable. On ne saurait donc s'étonner si ceux qui ne travaillent pas de bonne foi à l'avancement de la vraie religion et de l'Eglise de Jésus-Christ emploient des armes contraires à l'usage de la milice chrétienne. Si, à l'exemple du capitaine de notre salut, ils souhaitaient avec ardeur de sauver les hommes, ils marcheraient sur ses traces, et ils imiteraient la conduite de ce prince de paix qui, lorsqu'il envoya ses soldats pour subjuguer les nations et les faire entrer dans son Église, ne les arma ni d'épées ni d'aucun instrument de contrainte, mais leur donna pour tout appareil l'Évangile de paix, et la sainteté exemplaire de leurs mœurs. C'était là sa méthode. Quoique, à vrai dire, si les infidèles devaient être convertis par la force, si les aveugles ou les obstinés devaient être amenés à la vérité par des armées de soldats, il lui était beaucoup plus facile d'en venir à bout avec des légions célestes, qu'aucun fils de l'Eglise, quelque puissant qu'il soit, avec tous ses dragons. »

Où j'en suis dans mon devoir

Questions: 

-Quel est l'idée principale de ce texte?

 

-Quels sont les arguments utilisés par Locke pour la défendre ?

 

 




1 commentaire pour ce devoir


Anonyme
Posté le 25 janv. 2018

Bonjour,

Quand j'ai consulté le sujet la première fois, il y avait des éléments dans la partie "Où j'en suis de mon devoir" qui ont disparu. Est-ce toi qui les as supprimés ? C'est fort dommage, ils étaient intéressants, et montraient que tu avais un peu (un tout petit peu) réfléchi à la question. De la même façon, il y avait une question très intéressante sur les possibilités d'utilisation du texte de Locke à propos des agissements de l'État islamique. C'était même la question la plus intéressante, parce qu'elle posait un problème contemporain et prêtait à la polémique. Pourquoi a-t-elle disparu ? Mystère... Et quel dommage ! Ç'aurait été l'occasion de faire un vrai devoir de philosophie, ancré dans l'actualité, et non une morne bouillie de potache sur un texte de Locke vieux de 3 siècles. J'ai rédigé mon texte à partir de la formulation initiale - et notamment sur la dernière question qui a été supprimée. Je le livre ici sans correction. S'il paraît parfois à côté de plaque, c'est de ta faute. Il ne fallait pas modifier la question.

Certes, la tolérance religieuse et l'idée de la séparation de l'Église et de l'État - que tu évoques plus loin - sont des idées fondamentales dans la pensée de Locke (et d'une façon générale chez beaucoup des philosophes des Lumières. Disons qu'il s'agissait d'idées "dans l'air du temps"). Mais dans ce texte précis (même s'il est extrait de la "Lettre sur la tolérance"), je ne vois pas en quoi l'appel à la tolérance religieuse (ou la condamnation de l'intolérance) en constituerait l'idée directrice. À vrai dire, cette idée, je ne la trouve pas ici. À peine puis-je la pressentir en très léger filigrane.

Plutôt qu'un appel à la tolérance, je vois un appel à la cohérence. L'idée est qu'il faut agir en conformité avec les principes qu'on veut transmettre, qu'un éducateur, un professeur, un maître, enseigne bien moins ce qu'il dit ou ce qu'il fait que ce qu'il est. (Pour illustrer ce propos d'un exemple trivial et au ras des pâquerettes, - à ne surtout pas reproduire - que dirait-on d'un père expliquant à son fils : "Merde alors, tu ne sais pas qu'on ne doit jamais dire de gros mots ?") Utiliser la violence pour convertir les mécréants est contraire aux principes mêmes de la religion chrétienne qu'on veut faire partager, religion qui prêche la charité, l'amour et la bienveillance. Comment peut-on amener quelqu'un à partager et à respecter ces valeurs si on les lui impose par la violence, la cruauté, "le fer" et "le feu" ? On formera peut-être "une assemblée unie dans la même profession", c'est-à-dire des gens convertis en apparence, qui singent sous la menace et sans y croire les pratiques religieuses (des gens réduits "à professer de bouche ce qu'ils ne croient pas"), et qui peuvent même se croire autorisés à pratiquer des actes contraires aux préceptes de la religion chrétienne, puisque ces méthodes ont été utilisées par d'autres pour les convertir. C'est un peu le "faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais", que Matthieu attribuait aux Pharisiens et aux scribes dans son évangile.

L'idée principale de Locke, c'est ici, à mon sens, que la valeur pédagogique de l'exemple est infiniment supérieure à celle de la contrainte. Et pour illustrer son propos, il invite à suivre les pas du "maître" par excellence, celui dont les actes étaient en parfaite confirmité avec les croyances, c'est-à-dire Jésus, et ses soldats (il faut comprendre l'armée pacifique de ses apôtres, ses fidèles, ceux qui suivaient ses pas), qui ne cherchaient pas à convertir par la force, mais par la douceur, la persuasion, et surtout l'exemple.

La dernière question est très "politiquement correcte" et j'ai envie de l'aborder d'une façon un peu incorrecte. Et d'une façon polémique, parce qu'un devoir de philosophie n'est intéressant que s'il soulève des polémiques et permet des confrontations d'idées. Si c'est pour conclure sur un propos lénifiant très consensuel, ça ne vaut pas le coup. Je note que la question est d'ailleurs orientée, puisqu'elle sous-entend d'emblée que le texte pourrait être utilisé, alors qu'il aurait d'abord fallu se demander dans quelle mesure il pouvait l'être dans ce cas de figure. Plutôt que "comment peut-on" je poserai d'abord la simple question "peut-on ?". Le texte de Locke peut-il être invoqué à propos des violences commises par l'État islamique ? En regardant de très loin, avec des lunettes très sales, on peut penser que oui, après tout, les terroristes de Daesh cherchent à instaurer par la violence et la terreur un califat mondial, leur démarche est la même que celle des innombrables soldats, miliciens, conquistadors, inquisiteurs, croisés, qui, au nom de la religion chrétienne, allaient combattre et convertir par la force les populations païennes. Mais en se rapprochant et en essuyant un peu les lunettes, on est bien forcé de constater qu'il y a au moins une différence de taille : Jésus voulait convertir par la persuasion et l'exemple. Ceux qui, en son nom, ne suivaient pas cet exemple et voulaient convertir par la force étaient en contradiction avec leurs principes. Ils étaient incohérents. Mahomet, chef de guerre, voulait plutôt convertir par l'épée et la violence. Ceux qui, en son nom, suivent aujourd'hui son exemple, sont en parfaite cohérence avec leurs principes. Bien sûr, il y aura des levées de boucliers. Des croyants et des gens de bonne volonté - de bonne foi - objecteront que les terroristes de l'État islamique ont une mauvaise lecture du Coran, que l'Islam est religion d'amour, etc. Ils diront "pas d'amalgame". Le problème est que, dans la religion musulmane comme dans toutes les religions, on peut tout interpréter de n'importe quelle façon, on tombera toujours juste, et on trouvera toujours un verset, une petite phrase, généralement obscure et sujette à mille interprétations, pour justifier ses actes. La Bible, le Coran, disent tout et son contraire. Il y a autant de versets qui appellent à la bonté, la clémence, la générosité, que de versets qui appellent au meurtre, à la violence, à la férocité. Une religion, c'est une auberge espagnole, chacun y trouve ce qu'il y apporte, chacun peut y trouver justification de ses fantasmes, de ses frustrations, de ses aspirations, de ses haines et de ses pulsions.

Lorsque Locke condamne les conversions forcées, par la violence, le fer et le feu, son raisonnement est celui d'un croyant qui parle à des croyants en s'appuyant sur des arguments religieux. Il explique que la violence est fondamentalement en contradiction avec la croyance qu'on cherche à faire partager. Sur le plan de la raison, c'est un argument qui peut toucher des croyants sincères. Mais, en regard de la réalité, c'est un raisonnement qui n'a guère été efficace depuis 2000 ans que la religion chrétienne est apparue sur terre. Même si tous les bons chrétiens ont suivi des cours de catéchisme et dorment avec la Bible et les Évangiles sur leur table de nuit, on n'en finirait pas de dénombrer les atrocités, crimes, inquisitions, guerres de religion, massacres en tous genres, pogroms, croisades, chasses aux sorcières, tortures, exécutions, qui ont été faites - et continuent d'être faites - au nom de Jésus. Le christianisme a tué bien plus de gens que le nazisme et le communisme réunis. Et il en est de même de l'Islam (et l'on pourrait aussi parler des crimes bouddhistes - voir les persécutions de musulmans, et notamment de Rohingyas, en Birmanie.) Mon opinion - elle vaut ce qu'elle vaut et peut être - doit être - discutée et même réfutée, c'est qu'on ne peut pas user d'arguments religieux pour combattre les dérives de la religion. Un croyant n'est pas la personne la mieux placée et la plus objective pour condamner les crimes commis au nom de sa religion. Condamner les crimes religieux au nom d'une logique religieuse, c'est entrer dans un interminable débat qui se mordra la queue, où chacun sortira du chapeau son verset, sa sourate, son chapitre, son hadith pour justifier ses positions. Aux arguments religieux de Locke (qu'il faut replacer dans leur contexte historique, à une époque où les conflits parfois sanglants opposaient des courants chrétiens et où l'Islam ne constituait pas un problème), je préfèrerais aujourd'hui les arguments laïques d'un droit international, même s'il reste largement à rédiger, un droit inspiré par la raison, clair et sans ambiguïté.


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