Corpus de textes

Publié le 6 déc. 2011 il y a 12A par Anonyme - Fin › 13 déc. 2011 dans 12A
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Sujet du devoir

Textes proposés à l'étude du corpus :

- Texte A : Montaigne, Essais (1580-1588-1592), Livre I, chapitre 31, " Des Cannibales "
- Texte B : Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes (1686)
- Texte C : Hamidou Kane, L'Aventure ambiguë (1961)


Texte A. Montaigne, Essais (1580-1588-1592)

Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à de qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire (1) de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police (2), parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice (3) et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler sauvages. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accomodées au plaisir de notre goût corrompu (4). Et si pourtant (5), la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres (6), en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas raison (7) que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffées. Si est-ce que (8), partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises.
Livre I, chapitre 31, " Des Cannibales ", orthographe modernisée

(1) mire : critère
(2) police : forme de gouvernement
(3) artifice : technique
(4) corrompu : détérioré
(5) et si pourtant : Si a pour ce sens pourtant. Il y a donc insistance
(6) à l'envi des nôtres : susceptible de concurrencer
(7) ce n'est pas raison : il n'y a pas de raison pour que
(8) si est-ce que : pourtant


Texte B. Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), Second soir

En-tête : Précurseur des Lumières, Fontenelle, met en scène, dans Les Entretiens sur la pluralité des mondes, lors d'une promenade nocturne dans un parc, un philosophe qui fait à une marquise un cours de vulgarisation scientifique sur le monde, son organisation, et sur les habitants des autres planètes. Dans le passage suivant, la marquise se lamente de ce que, si la lune a des habitants, " on ne les connaîtra jamais... ". L'objet du débat est donc la possibilité de connaître un jour les séléniens (autrement dit, les habitants de la lune). C'est l'occasion d'évoquer la situation des Américains au moment où débarquèrent les premiers Européens.

" Ces gens de la lune, on ne les connaîtra jamais, cela est désespérant.

Si je vous répondais sérieusement, répliquai-je, qu'on ne sait ce qui arrivera, vous vous moqueriez de moi, et je le mériterais sans doute. Cependant je me défendrais assez bien, si je voulais. J'ai une pensée très ridicule, qui a un air de vraisemblance qui me surprend; je ne sais où elle peut l'avoir pris, étant aussi impertinente (1) qu'elle est. Je gage (2) que je vais vous réduire à avouer, contre toute raison, qu'il pourra y avoir un jour du commerce (3) entre la terre et la lune. Remettez-vous dans l'esprit l'état où était l'Amérique avant qu'elle eût été découverte par Christophe Colomb. Ses habitants vivaient dans une ignorance extrême. Loin de connaître les sciences, ils ne connaissaient pas les arts les plus simples et les plus nécessaires. Ils allaient nus, ils n'avaient point d'autres armes que l'arc; ils n'avaient jamais conçu que des hommes pussent être portés par des animaux; ils regardaient la mer comme un grand espace défendu aux hommes, qui se joignait au ciel, et au-delà duquel il n'y avait rien. Il est vrai qu'après avoir passé des années entières à creuser le tronc d'un gros arbre avec des pierres tranchantes, ils se mettaient sur la mer dans ce tronc, et allaient terre à terre (4), portés par le vent et les flots. Mais comme ce vaisseau était sujet à être souvent renversé, il fallait qu'ils se missent aussitôt à la nage pour le rattraper, et à proprement parler, ils nageaient toujours, hormis le temps qu'ils s'y délassaient. Qui leur eût dit qu'il y avait une sorte de navigation incomparablement plus parfaite, qu'on pouvait traverser cette étendue infinie d'eau de tel côté et de tel sens qu'on voulait, qu'on pouvait s'y arrêter sans mouvement au milieu des flots émus (5), qu'on était maître de la vitesse avec laquelle on allait; qu'enfin cette mer, quelque vaste qu'elle fût, n'était point un obstacle à la communication des peuples, pourvu seulement qu'il y eût des peuples au-delà; vous pouvez compter qu'ils ne l'eussent jamais cru. Cependant voilà un beau jour le spectacle du monde le plus étrange et le moins attendu qui se présente à eux. De grands corps énormes qui paraissent avoir des ailes blanches, qui volent sur la mer, qui vomissent du feu de toutes parts, et qui viennent jeter sur le rivage des gens inconnus, tout écaillés de fer, disposant comme ils veulent de monstres qui courent sous eux et tenant en leur main des foudres dont ils terrassent tout ce qui leur résiste. D'où sont-ils venus ? Qui a pu les amener par-dessus les mers ? Qui a mis le feu en leur disposition ? Sont-ce les enfants du Soleil ? car assurément ce ne sont pas des hommes. Je ne sais, Madame, si vous entrez comme moi dans la surprise des Américains; mais jamais il ne peut y en avoir eu une pareille dans le monde. Après cela, je ne veux plus jurer qu'il ne puisse y avoir commerce quelque jour entre la lune et la terre. Les Américains eussent-ils cru qu'il eût dû y en avoir entre l'Amérique et l'Europe qu'ils ne connaissaient seulement pas ? Il est vrai qu'il faudra traverser ce grand espace d'air et de ciel qui est entre la terre et la lune. Mais ces grandes mers paraissaient-elles aux Américains plus propres à être traversées ? "

(1) impertinente : déraisonnable, saugrenue
(2) je gage = je parie
(3) du commerce : des relations
(4) allaient terre à terre : sans perdre la terre de vue
(5) émus : agités


Texte C. Hamidou Kane, L'Aventure ambiguë (1961)

En-tête : Kane (Hamidou) Ecrivain sénégalais d'expression française (né à Matam 1928). Fonctionnaire international (il a dirigé les services de l'Unicef à Abidjan), Hamidou Kane s'est attaché à décrire la condition africaine dans L'Aventure ambiguë (1961) où le " métissage culturel " que connaît le jeune Noir, partagé entre les valeurs de " l'islam noir " et celles de l'Occident, est vécu tragiquement. En des dialogues volontiers métaphysiques, l'écrivain souligne qu' " il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas deux ".

Un Africain - nommé Le Fou dans le roman - raconte sa première arrivée dans une grande ville européenne et l'angoisse qu'il éprouve devant un paysage inconnu. Il s'est assis sur une de ses valises dans le renfoncement d'une porte.

Un homme, passant à côté de moi, voulut s'arrêter. Je tournai la tête. L'homme hésita puis, hochant la tête, poursuivit son chemin. Je le suivis du regard. Son dos carré se perdit parmi d'autres dos carrés. Sa gabardine grise, parmi les gabardines. Le claquement sec de ses souliers se mêla au bruit de castagnettes qui courait à ras d'asphalte. L'asphalte... Mon regard parcourait toute l'étendue et ne vit pas de limite à la pierre. Là-bas, la glace du feldspath (1), ici, le gris clair de la pierre, ce noir mat de l'asphalte. Nulle part la tendre mollesse d'une terre nue. Sur l'asphalte dur, mon oreille exacerbée, mes yeux avides guettèrent, vainement, le tendre surgissement d'un pied nu. Alentour, il n'y avait aucun pied.Sur la carapace dure, rien que le claquement d'un millier de coques dures. L'homme n'avait-il plus de pieds de chair ? Une femme passa dont la chair rose des mollets se durcissait monstrueusement en deux noires conques (2) terminales, à ras d'asphalte. Depuis que j'avais débarqué, je n'avais pas vu un seul pied. Tout autour, du sol au faîte des immeubles, la coquille nue et sonore de la pierre faisait de la rue une vasque (3) de granit. Cette vallée de pierre était parcourue, dans son axe, par un fantastique fleuve de mécanismes enragées. Jamais, autant que ce jour-là, les voitures automobiles - que je connaissais cependant - ne m'étaient apparues ainsi souveraines et enragées, si sournoises bien qu'obéissantes encore.Sur le haut du pavé qu'elles tenaient pas un être humain qui marchât.
Cheikh Hamidou KANE, L'Aventure ambiguë, Paris, Editions Julliard, 1961

(1) feldspath : matière utilisée pour le revêtement des routes
(2) conques : grands coquillages
(3) vasque : large cuvette d'une fontaine



Vous répondrez d'abord aux questions suivantes (6 points)

1) Déterminez quel est l'énonciateur dans chacun de ces textes. (2 points)
2) Indiquez quel est le point de vue défendu dans chacun de ces textes sur les Européens et sur les " Américains " ou les Africains. Justifiez votre réponse en vous appuyant sur les textes. (4 points)


Travail d'écriture : Commentaire (14 points)

Vous commenterez le texte de Hamidou Kane (texte C).

Axes de lecture proposés :

I. Un regard étranger

1. La focalisation interne (indices + citations)
2. La référence à un monde connu (indices + citations)
3. Le manque et la mise à distance ironique (indices + citations)

II. Une vision critique : un monde déshumanisé

1. ........................ (indices + citations)
2. ........................ (indices + citations)
3. ........................ (indices + citations)

Où j'en suis dans mon devoir

Question 1 :

Il y a, dans chacun des textes du corpus, un énonciateur. Dans le texte A (Montaigne, Essais), il s'agit de Montaigne lui-même; dans le texte B (Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes), il s'agit d'un philosophe; enfin, dans le texte C (Hamidou Kane, L'Aventure ambiguë), il s'agit d'un Africain.



5 commentaires pour ce devoir


Anonyme
Posté le 8 déc. 2011
Salut,

toi aussi tu es au cned, je galère avec ce devoir ...
Tu en es ou ?
Anonyme
Posté le 8 déc. 2011
Au fait si tu veux on peut échangé certain corriger! ;)
Anonyme
Posté le 8 déc. 2011
Ben je me suis arrêté à la 1ère question, après je bug...
Et toi ?
Anonyme
Posté le 9 déc. 2011
Exactement au même point il y a un compte face 1ère STG CNED adhère ils pourront peut être t'aider ;)
Anonyme
Posté le 9 déc. 2011
J'y suis sur ce compte ;)

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