Commentaire composé d'un extrait de Germinal

Publié le 2 févr. 2011 il y a 13A par Anonyme - Fin › 7 févr. 2011 dans 13A
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Sujet du devoir

Objet d'étude : Le roman et ses personnages : visions de l'homme et du monde.
Textes :
Texte A : Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835.
Texte B : Emile Zola, Germinal, 1885.
Texte C : Guy de Maupassant, Bel Ami, 1885.
Texte D - Victor Hugo, Quatrevingt-treize, 1874.



Texte A : Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835.

[Sous la Restauration, durant le règne de Louis XVIII, en 1819, la duchesse de Langeais, aristocrate de haut rang du faubourg Saint-Germain, raconte à son amie madame de Beauséant, le parcours d'un certain M. Goriot dont elle déforme systématiquement le nom.]

— Oui, ce Moriot a été président de sa section1 pendant la Révolution ; il a été dans le secret de la fameuse disette, et a commencé sa fortune par vendre dans ce temps-là des farines dix fois plus qu'elles ne lui coûtaient. Il en a eu tant qu'il en a voulu. L'intendant de ma grand-mère lui en a vendu pour des sommes immenses. Ce Goriot partageait sans doute, comme tous ces gens-là, avec le Comité de Salut Public. Je me souviens que l'intendant disait à ma grand-mère qu'elle pouvait rester en toute sûreté à Grandvilliers, parce que ses blés étaient une excellente carte civique. Eh bien ! ce Loriot, qui vendait du blé aux coupeurs de têtes, n'a eu qu'une passion. Il adore, dit-on, ses filles. Il a juché l'aînée dans la maison de Restaud2, et greffé l'autre sur le baron de Nucingen3, un riche banquier qui fait le royaliste. Vous comprenez bien que, sous l'Empire4, les deux gendres ne se sont pas trop formalisés d'avoir ce vieux Quatre-vingt-treize5 chez eux ; ça pouvait encore aller avec Buonaparte6. Mais quand les Bourbons sont revenus, le bonhomme a gêné monsieur de Restaud, et plus encore le banquier. Les filles, qui aimaient peut-être toujours leur père, ont voulu ménager la chèvre et le chou, le père et le mari ; elles ont reçu le Goriot quand elles n'avaient personne ; elles ont imaginé des prétextes de tendresse. « Papa, venez, nous serons mieux, parce que nous serons seuls ! » etc. Moi, ma chère, je crois que les sentiments vrais ont des yeux et une intelligence : le cœur de ce pauvre Quatre-vingt-treize a donc saigné. Il a vu que ses filles avaient honte de lui ; que, si elles aimaient leurs maris, il nuisait à ses gendres. Il fallait donc se sacrifier. Il s'est sacrifié parce qu'il était père : il s'est banni de lui-même. En voyant ses filles contentes, il comprit qu'il avait bien fait. Le père et les enfants ont étés complices de ce petit crime. Nous voyons cela partout. Ce père Doriot n'aurait-il pas été une tache de cambouis dans le salon de ses filles ? Il y aurait été gêné, il se serait ennuyé. Ce qui arrive à ce père peut arriver à la plus jolie femme avec l'homme qu'elle aimera le mieux : si elle l'ennuie de son amour, il s'en va, il fait des lâchetés pour la fuir. Tous les sentiments en sont là. Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui. Ce père avait tout donné. Il avait donné pendant vingt ans, ses entrailles, son amour ; il avait donné sa fortune en un jour. Le citron bien pressé, ses filles ont laissé le zeste au coin des rues.

1 - section : il était à la tête d'une des circonscriptions administratives de Paris sous la Révolution.
2 - Maison de Restaud : nom de la famille de l'époux de la fille aînée du Père Goriot.
3 - baron de Nucingen : l'époux de la seconde fille du Père Goriot.
4 - Empire : le premier Empire (1804-1815).
5 - ce vieux Quatre-vingt-treize : appellation péjorative d'un révolutionnaire durant la Terreur de 1793.
6 - Buonaparte : Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon 1er en 1804.



Texte B : Emile Zola, Germinal, 1885.

[Maheu est un mineur. Nous assistons en ce début de roman à son travail pénible au fond de la mine.]

C'était Maheu qui souffrait le plus. En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang.
Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place. Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son œil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage1, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet. Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort. Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux. Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait rien, la taille2 s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime.
Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille3, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal.
Puis, tout retombait au noir, les rivelaines4 tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.

1 - havage : galerie creusée dans une mine.
2 - taille : galerie d'où l'on extrait la houille.
3 - blocs de houille : blocs de charbon.
4 - rivelaines : pics à deux pointes utilisés dans les mines pour extraire la houille.



Texte C : Guy de Maupassant, Bel Ami, 1885.

[Voici la dernière page du roman qui nous fait assister au mariage de Georges Duroy et à son triomphe social.]

Puis des voix humaines s'élevèrent, passèrent au-dessus des têtes inclinées. Vauri et Landeck, de l'Opéra, chantaient. L'encens répandait une odeur fine de benjoin1, et sur l'autel le sacrifice divin s'accomplissait ; l'Homme-Dieu, à l'appel de son prêtre, descendait sur la terre pour contempler le triomphe du baron Georges du Roy2.
Bel-Ami, à genoux à côté de Suzanne, avait baissé le front. Il se sentait en ce moment presque croyant, presque religieux, plein de reconnaissance pour la divinité qui l'avait ainsi favorisé, qui le traitait avec ces égards. Et sans savoir au juste à qui il s'adressait, il la remerciait de son succès.
Lorsque l'office fut terminé, il se redressa, et, donnant le bras à sa femme, il passa dans la sacristie3. Alors commença l'interminable défilé des assistants. Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu'un peuple venait acclamer. Il serrait des mains, balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait aux compliments : « Vous êtes bien aimable. »
Soudain il aperçut Mme de Marelle ; et le souvenir de tous les baisers qu'il lui avait donnés, qu'elle lui avait rendus, le souvenir de toutes leurs caresses, de ses gentillesses, du son de sa voix, du goût de ses lèvres, lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre. Elle était jolie, élégante, avec son air gamin et ses yeux vifs. Georges pensait : « Quelle charmante maîtresse tout de même. »
Elle s'approcha un peu timide, un peu inquiète, et lui tendit la main. Il la reçut dans la sienne et la garda. Alors il sentit l'appel discret de ses doigts de femme, la douce pression qui pardonne et reprend. Et lui-même il la serrait, cette petite main, comme pour dire : « Je t'aime toujours, je suis à toi ! »
Leurs yeux se rencontrèrent, souriants, brillants, pleins d'amour. Elle murmura de sa voix gracieuse : « À bientôt, monsieur. »
II répondit gaiement : « À bientôt, madame. »
Et elle s'éloigna.
D'autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Enfin elle s'éclaircit. Les derniers assistants partirent. Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l'église.
Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de les voir passer ensemble. Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui.
Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait.
Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon4.
Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.

1 - benjoin : résine utilisée en parfumerie.
2 - baron Georges du Roy : Bel Ami.
3 - sacristie : pièce dans une église ou l'on conserve les objets nécessaires au culte et les vases sacrés.
4 - Palais-Bourbon : la Chambre des députés à Paris.



Texte D : Victor Hugo, Quatrevingt-treize, 1874.

[En 1793, le peuple de Vendée se soulève contre le gouvernement révolutionnaire. Le marquis de Lantenac débarque en Bretagne pour prendre la tête des troupes royalistes vendéennes. Poursuivi par l'armée républicaine, il rencontre le mendiant Tellmarch qui le cachera.]

— Comment vous appelez-vous ? dit le marquis.
— Je m'appelle Tellmarch1, et l'on m'appelle le Caimand.
— Je sais. Caimand est un mot du pays.
— Qui veut dire mendiant. On me surnomme aussi le Vieux.
II poursuivit :
— Voilà quarante ans qu'on m'appelle le Vieux.
— Quarante ans ! mais vous étiez jeune ?
— Je n'ai jamais été jeune. Vous l'êtes toujours, vous, monsieur le marquis. Vous avez des jambes de vingt ans, vous escaladez la grande dune ; moi, je commence à ne plus marcher ; au bout d'un quart de lieue je suis las. Nous sommes pourtant du même âge ; mais les riches, ça a sur nous un avantage, c'est que ça mange tous les jours. Manger conserve.
Le mendiant, après un silence, continua :
— Les pauvres, les riches, c'est une terrible affaire. C'est ce qui produit les catastrophes. Du moins, ça me fait cet effet-là. Les pauvres veulent être riches, les riches ne veulent pas être pauvres. Je crois que c'est un peu là le fond. Je ne m'en mêle pas. Les événements sont les événements. Je ne suis ni pour le créancier, ni pour le débiteur. Je sais qu'il y a une dette et qu'on la paye. Voilà tout. J'aurais mieux aimé qu'on ne tuât pas le roi, mais il me serait difficile de dire pourquoi. Après ça, on me répond : mais autrefois, comme on vous accrochait les gens aux arbres pour rien du tout ! Tenez, moi, pour un méchant3 coup de fusil tiré à un chevreuil du roi, j'ai vu pendre un homme qui avait une femme et sept enfants. Il y a à dire des deux côtés.
Il se tut encore, puis ajouta :
— Vous comprenez, je ne sais pas au juste, on va, on vient, il se passe des choses ; moi, je suis là sous les étoiles.

1 - Tellmarch : homme du peuple qui vit en marge des autres hommes.
2 - Caimand : surnom du précédent.
3 - méchant : mauvais, maladroit.



I- Après avoir pris connaissance de l'ensemble des textes, vous répondrez d'abord à la question suivante (4 points) :

Dans chacun de ces textes, de quelle manière les romanciers donnent-ils, à travers leurs personnages, une image de la société ?

II. Vous traiterez ensuite, au choix, l'un des sujets suivants (16 points) :

*

Commentaire
Vous commenterez le texte de Zola (texte B)..

Où j'en suis dans mon devoir

En ce qui concerne la question, je l'ai déjà faite. Mais pour le commentaire je n'ai pas de problématique ni de plan, il est clair que Zola dénonce les conditions de travail etc. Seulement les problématiques et les plans que je trouve ne me paraissent jamais approprié au niveau que je suis censé avoir en 1ere... Pouvez-vous me donner quelque piste?

Merci.



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