commentaire composé: Le Clézio, Désert

Publié le 4 janv. 2016 il y a 8A par Anonyme - Fin › 7 janv. 2016 dans 8A
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Sujet du devoir

Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours
Corpus de textes :
Texte A : Balzac, La fille aux yeux d’or (1835)
Texte B : Zola, Le ventre de Paris (1873)
Texte C : Le Clézio, Désert (1980)


Texte A : Balzac, La fille aux yeux d’or (1835)
La fille aux yeux d’or termine le triptyque de l’Histoire des Treize (à la suite de Ferragus et de La duchesse de Langeais). Henry de Marsay, jeune dandy parisien se prend de passion pour la « fille aux yeux d’or », Paquita Valdes, mais découvre qu’elle a une autre relation. Pour se venger de Paquita, il décide à l’aide d’un groupe d’amis de la tuer. Voici l’incipit de cette étrange histoire…
Un des spectacles où se rencontre le plus d’épouvantement est certes l’aspect général de
la population parisienne, peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné. Paris n’est-il pas un
vaste champ incessamment remué par une tempête d’intérêts sous laquelle tourbillonne une moisson d’hommes que la mort fauche plus souvent qu’ailleurs et qui renaissent toujours aussi serrés, dont les visages contournés, tordus, rendent par tous les pores l’esprit, les désirs, les poisons dont sont engrossés leurs cerveaux ; non pas des visages, mais bien des masques : masques de faiblesse, masques de force, masques de misère, masques de joie, masques d’hypocrisie ; tous exténués, tous empreints des signes ineffaçables d’une haletante avidité ? Que veulent-ils ? De l’or, ou du plaisir ? Quelques observations sur l’âme de Paris peuvent expliquer les causes de sa physionomie
cadavéreuse qui n’a que deux âges, ou la jeunesse ou la caducité : jeunesse blafarde et sans couleur, caducité fardée qui veut paraître jeune. En voyant ce peuple exhumé, les étrangers, qui ne sont pas tenus de réfléchir, éprouvent tout d’abord un mouvement de dégoût pour cette capitale, vaste atelier de jouissance, d’où bientôt eux-mêmes ils ne peuvent sortir et, restent à s’y déformer volontiers. Peu de mots suffiront pour justifier physiologiquement la teinte presque infernale des figures parisiennes, car ce n’est pas seulement par plaisanterie que Paris a été nommé un enfer. Tenez ce mot pour vrai. Là, tout fume, tout brûle, tout brille, tout bouillonne, tout flambe, s’évapore, s’éteint, se rallume, étincelle, pétille et se consume.
Jamais vie en aucun pays ne fut plus ardente, ni plus cuisante. Cette nature sociale toujours
en fusion semble se dire après chaque oeuvre finie : - À une autre ! comme se le dit la nature elle-même. Comme la nature, cette nature sociale s’occupe d’insectes, de fleurs d’un jour, de bagatelles, d’éphémères, et jette aussi feu et flamme par son éternel cratère. Peut-être avant d’analyser les causes qui font une physionomie spéciale à chaque tribu de cette nation intelligente et mouvante, doit-on signaler la cause générale qui en décolore, blêmit, bleuit et brunit plus ou moins les individus.
À force de s’intéresser à tout, le Parisien finit par ne s’intéresser à rien. Aucun sentiment ne dominant sur sa face usée par le frottement, elle devient grise comme le plâtre des maisons qui a reçu toute espèce de poussière et de fumée. En effet, indifférent la veille à ce dont il s’enivrera le lendemain, le Parisien vit en enfant quel que soit son âge. Il murmure de tout, se console de tout, se moque de tout, oublie tout, veut tout, goûte à tout, prend tout avec passion, quitte tout avec insouciance ; ses rois, ses conquêtes, sa gloire, son idole, qu’elle soit de bronze ou de verre ; comme il jette ses bas, ses chapeaux et sa fortune. À Paris, aucun sentiment ne résiste au jet des choses, et leur courant oblige à une lutte qui détend les passions : l’amour y est un désir, et la haine une velléité : il n’y a là de vrai parent que le billet de mille francs, d’autre ami que le Mont-de-piété. Ce laisser-aller général porte ses fruits ; et, dans le salon, comme dans la rue personne n’y est de trop, personne n’y est absolument utile, ni absolument nuisible : les sots et les fripons comme les gens d’esprit ou de probité. Tout y est toléré, le gouvernement et la guillotine, la religion et le choléra. Vous convenez toujours à ce monde, vous n’y manquez jamais. Qui donc domine en ce pays sans moeurs, sans croyance, sans aucun sentiment ; mais d’où partent et où aboutissent tous les sentiments, toutes les croyances et toutes les moeurs ? L’or et le plaisir.


Texte B : Zola, Le ventre de Paris (1873)
Émile Zola fut le chef de file du mouvement naturaliste qui vise à reproduire la réalité avec
exactitude, dans tous ses aspects et avec la plus grande objectivité possible. Dans cet extrait du premier chapitre du Ventre de Paris, roman écrit en 1873, le héros Florent, arrêté par erreur après le coup d’État du 2 décembre 1851, s’est évadé du bagne de Cayenne et découvre le nouveau marché des Halles sept ans plus tard.
Il n’eut plus qu’une pensée, qu’un besoin, s’éloigner des Halles. Il attendrait, il chercherait
encore, plus tard, quand le carreau serait libre. Les trois rues du carrefour, la rue Montmartre, la rue Montorgueil, la rue Turbigo, l’inquiétèrent : elles étaient encombrées de voitures de toutes sortes ; des légumes couvraient les trottoirs. Alors, il alla devant lui, jusqu’à larue Pierre-Lescot, où le marché au cresson et le marché aux pommes de terre lui parurent infranchissables. Il préféra suivre la rue Rambuteau. Mais, au boulevard Sébastopol, il se heurta contre un tel embarras de tapissières, de charrettes, de chars à bancs, qu’il revint prendre la rue Saint-Denis. Là, il rentra dans les légumes. Aux deux bords, les marchands forains venaient d’installer leurs étalages, des planches posées sur de hauts paniers, et le déluge de choux, de carottes, de navets recommençait. Les Halles débordaient. Il essaya de sortir de ce flot qui l’atteignait dans sa fuite ; il tenta la rue de la Cossonnerie, la rue Berger, le square des Innocents, la rue de la Ferronnerie, la rue des Halles. Et il s’arrêta, découragé, effaré, ne pouvant se dégager de cette infernale ronde d’herbes qui finissaient par tourner autour de lui en le liant aux jambes de leurs minces verdures. Au loin, jusqu’à la rue de Rivoli, jusqu’à la place de l’Hôtel-de-Ville, les éternelles files de roues et de bêtes attelées se perdaient dans le pêle-mêle des marchandises qu’on chargeait ; de grandes tapissières emportaient les lots des fruitiers de tout un quartier ; des chars à bancs dont les flancs craquaient partaient pour la banlieue. Rue du Pont-Neuf, il s’égara tout à fait ; il vint trébucher au milieu d’une remise de voitures à bras ; des marchands des quatre-saisons y paraient leur étalage roulant. Parmi eux, il reconnut Lacaille, qui prit la rue Saint-Honoré, en poussant devant lui une brouettée de carottes et de choux-fleurs. Il le suivit, espérant qu’il l’aiderait à sortir de la cohue. Le pavé était devenu gras, bien que le temps fût sec ; des tas de queues d’artichauts, des feuilles et des fanes, rendaient la chaussée périlleuse. Il butait à chaque pas. Il perdit Lacaille, rue Vauvilliers. Du côté de la Halle au blé, les bouts de rue se barricadaient d’un nouvel obstacle de charrettes et de tombereaux. Il ne tenta plus de lutter, il était repris par les Halles, le flot le ramenait. Il revint lentement, il se retrouva à la pointe Saint-Eustache.

Texte C : Le Clézio, Désert (1980) 

Le passage suivant, extrait de Désert de Le Clézio, voit Lalla, jeune immigrée venue d’un

bidonville marocain et récemment arrivée en France, se promener dans les rues de la vieille
ville de Marseille ; la ville paraît effrayante à ses yeux, et sa marche prend peu à peu des
allures de fuite.
Lalla remonte vers la vieille ville, elle gravit lentement les marches de l’escalier défoncé où
coule l’égout qui sent fort. En haut de l’escalier, elle tourne à gauche, puis elle marche dans
la rue du Bon-Jésus. Sur les vieux murs lépreux, il y a des signes écrits à la craie, des lettres
et des dessins incompréhensibles, à demi effacés. Par terre, il y a plusieurs taches rouges
comme le sang, où rôdent des mouches. La couleur rouge résonne dans la tête de Lalla, fait
un bruit de sirène, un sifflement qui creuse un trou, vide son esprit. Lentement, avec effort,
Lalla enjambe une première tache, une deuxième, une troisième. Il y a de drôles de choses
blanches mêlées aux taches rouges, comme des cartilages, des os brisés, de la peau, et la
sirène résonne encore plus fort dans la tête de Lalla. Elle essaie de courir le long de la rue
en pente, mais les pierres sont humides et glissantes, surtout quand on a des sandales de
caoutchouc. Rue du Timon, il y a encore des signes écrits à la craie sur les vieux murs, des
mots, peut-être des noms ? Puis une femme nue, aux seins pareils à des yeux, et Lalla pense
au journal obscène déplié sur le lit défait, dans la chambre d’hôtel. Plus loin, c’est un phallus
énorme dessiné à la craie sur une vieille porte, comme un masque grotesque.
Lalla continue à marcher, en respirant avec peine. La sueur coule toujours sur son front, le
long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles. Il n’y a personne dans les rues à cette
heure-là, seulement quelques chiens au poil hérissé, qui rongent leurs os en grognant. Les
fenêtres au ras du sol sont fermées par des grillages, des barreaux. Plus haut, les volets sont
tirés, les maisons semblent abandonnées. Il y a un froid de mort qui sort des bouches des
soupirails1, des caves, des fenêtres noires. C’est comme une haleine de mort qui souffle le
long des rues, qui emplit les recoins pourris au bas des murs. Où aller ? Lalla avance lentement
de nouveau, elle tourne encore une fois à droite, vers le mur de la vieille maison. Lalla a
toujours un peu peur, quand elle voit ces grandes fenêtres garnies de barreaux, parce qu’elle
croit que c’est une prison où les gens sont morts autrefois : on dit même que la nuit, parfois,
on entend les gémissements des prisonniers derrière les barreaux des fenêtres. Elle descend
maintenant le long de la rue des Pistoles, toujours déserte, et par la traverse de la Charité,
pour voir, à travers le portail de pierre grise, l’étrange dôme rose qu’elle aime bien. Certains
jours elle s’assoit sur le seuil d’une maison, et elle reste là à regarder très longtemps le dôme
qui ressemble à un nuage, et elle oublie tout, jusqu’à ce qu’une femme vienne lui demander
ce qu’elle fait là et l’oblige à s’en aller.
Mais aujourd’hui, même le dôme rose lui fait peur, comme s’il y avait une menace derrière
ses fenêtres étroites, ou comme si c’était un tombeau. Sans se retourner, elle s’en va vite, elle
redescend vers la mer, le long des rues silencieuses. Le vent qui passe par rafales fait claquer
le linge, de grands draps blancs aux bords effilochés, des vêtements d’enfants, d’homme,
des lingeries bleues et roses de femme ; Lalla ne veut pas les regarder, parce qu’ils montrent
des corps invisibles, des jambes, des bras, des poitrines, comme des dépouilles sans tête.
Elle longe la rue Rodillat, et là aussi il y a ces fenêtres basses, couvertes de grillage, fermées
de barreaux, où les hommes et les enfants sont prisonniers. Lalla entend par moments les
bribes de phrases, les bruits de vaisselle ou de cuisine, ou bien la musique nasillarde, et
elle pense à tous ceux qui sont prisonniers, dans ces chambres obscures et froides, avec les
blattes et les rats, tous ceux qui ne verront plus la lumière, qui ne respireront plus le vent.
J.M.G. Le Clézio, Désert.


Question (6 points)
Quelle vision de la ville chacun de ces trois textes présente-t-il ? Comment les descriptions
sont-elles construites ? Quels sont leurs points communs ?


Travail d’écriture (14 points)
Vous traiterez au choix l’un des deux sujets suivants.
 Commentaire littéraire
Vous commenterez le texte de Le Clézio en suivant le parcours de lecture suivant :
– vous mettrez en évidence les éléments qui font de ce texte la description réaliste d’un lieu
décrépi et sinistre ;
– vous étudierez le personnage de Lalla par le biais de son point de vue sur la ville et montrerez
ce qu’elle ressent ;
– vous montrerez enfin que la description prend une double dimension : fantastique et symbolique.

Où j'en suis dans mon devoir

J'ai répondu à la questions du corpus:

Dans le texte A, le narrateur, porte-parole de l'auteur, porte un regard sans concession sur les Parisiens. Dans le second texte, la ville : Paris, et tout particulièrement le marché des Halles sous le Second Empire, est vue à travers le regard de Florent, l'un des personnages du roman. Dans le troisième texte, la ville - un quartier de la Marseille - est vue à travers le regard d'une jeune fille prénommée Lalla.

Dans le texte A, le narrateur multiplie les modalisateurs négatifs à travers lesquels l'auteur, H. de Balzac fait entendre sa voix : le peuple de Paris est "horrible à voir", "jaune", "hâve", "tanné". Le narrateur donne à son évocation un caractère mythologique, comparant le peuple de Paris à une moisson que la mort touche et qui repousse sans cesse et en affirmant que les Parisiens portent un masque.

 
 
Pour le narrateur, l'apparence des Parisiens s'explique par leur psychologie, leur "âme", une âme avide de nouveauté et où aucun sentiment ne domine, sinon la soif de l'or et du plaisir. Le narrateur a donc choisi d'évoquer la ville à travers ses habitants auxquels il attribue une identité commune, une "typologie" : non pas "les" Parisiens, mais un personnage collectif :  "Le" Parisien.

Dans le texte B, le personnage (Florent), après avoir découvert le marché des Halles cherche à s'en éloigner. Il s'agit d'une description itinérante. On suit Florent dans sa marche erratique à travers les rues encombrées par les charrettes et les étalages de légumes, depuis la rue Montorgueil jusqu'à la Porte Saint-Eustache. Le personnage semble prisonnier du "ventre de Paris" comme d'un labyrinthe dévorateur dont il ne parvient pas à s'échapper. Après avoir butté contre les obstacles, il se retrouve à son point de départ, comme un nageur entraîné par la puissance du courant.

Contrairement au texte A, le texte B évoque une topologie réelle et précise, celle d'un quartier de Paris. Dans le texte A, on parle des Parisiens, mais on n'apprend rien de Paris. Dans le texte B, on parle du quartier des Halles, mais ne sait rien de Florent.

Le texte C est également une description itinérante. Le lecteur suit la course d'une jeune fille à travers les rues de Marseille. Elle ne perçoit de la ville que son côté inquiétant car son regard est déformé par la peur. Mais contrairement à Florent dans le texte B, elle parvient à s'échapper : "elle redescend vers la mer".

Le texte de Le Clézio et celui de Balzac ont en commun une vision fantastique de la ville, alors que la vision de Zola est plus réaliste, bien que l'impossibilité pour le personnage d'échapper au quartier des Halles relève d'une sorte de fatalité surnaturelle.

Les trois textes proposent une vision dysphorique de la ville : chaudron bouillonnant chez Balzac, prison "dévoratrice" chez Zola, labyrinthe menaçant chez Le Clézio. Chacun insiste à sa manière sur l'effacement ou la solitude de l'individu perdu dans la masse et soumis à des forces qui le dépassent..




2 commentaires pour ce devoir


Anonyme
Posté le 5 janv. 2016

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Anonyme
Posté le 5 janv. 2016

Oui sur le texte C mais je n'y arrive pas du tout


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