CORPUS

Publié le 2 déc. 2010 il y a 13A par Anonyme - Fin › 31 déc. 2010 dans 13A
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Sujet du devoir

La question est la suivante : Etudiez la notion de point de vue. Par qui le décor est-il perçu dans chacun des extraits ?

EXTRAIT 1 : Rousseau ; Julie ou la nouvelle heloise (1761). Lettre 17

Après le souper, nous fûmes nous asseoir sur la grève en attendant le moment du départ. Insensiblement la lune se leva, l'eau devint plus calme, et Julie me proposa de partir. Je lui donnai la main pour entrer dans le bateau ; et, en m'asseyant à côté d'elle, je ne songeai plus à quitter sa main. Nous gardions un profond silence. Le bruit égal et mesuré des rames m'excitait à rêver. Le chant assez gai des bécassines, me retraçant les plaisirs d'un autre âge, au lieu de m'égayer, m'attristait. Peu à peu je sentis augmenter la mélancolie dont j'étais accablé. Un ciel serein, les doux rayons de la lune, le frémissement argenté dont l'eau brillait autour de nous, le concours des plus agréables sensations, la présence même de cet objet chéri, rien ne put détourner de mon coeur mille réflexions douloureuses.

Je commençai par me rappeler une promenade semblable faite autrefois avec elle durant le charme de nos premières amours. Tous les sentiments délicieux qui remplissaient alors mon âme s'y retracèrent pour l'affliger ; tous les événements de notre jeunesse, nos études, nos entretiens, nos lettres, nos rendez-vous, nos plaisirs,

E tanta fede, e si dolci memorie,
E si lungo costume

ces foules de petits objets qui m'offraient l'image de mon bonheur passé, tout revenait, pour augmenter ma misère présente, prendre place en mon souvenir. C'en est fait, disais-je en moi-même ; ces temps, ces temps heureux ne sont plus ; ils ont disparu pour jamais. Hélas ! Ils ne reviendront plus ; et nous vivons, et nous sommes ensemble, et nos coeurs sont toujours unis ! Il me semblait que j'aurais porté plus patiemment sa mort ou son absence, et que j'avais moins souffert tout le temps que j'avais passé loin d'elle. Quand je gémissais dans l'éloignement, l'espoir de la revoir soulageait mon coeur ; je me flattais qu'un instant de sa présence effacerait toutes mes peines ; j'envisageais au moins dans les possibles un état moins cruel que le mien. Mais se trouver auprès d'elle, mais la voir, la toucher, lui parler, l'aimer, l'adorer, et presque en la possédant encore, la sentir perdue à jamais pour moi ; voilà ce qui me jetait dans des accès de fureur et de rage qui m'agitèrent par degrés jusqu'au désespoir. Bientôt je commençai de rouler dans mon esprit des projets funestes, et, dans un transport dont je frémis en y pensant, je fus violemment tenté de la précipiter avec moi dans les flots, et d'y finir dans ses bras ma vie et mes longs tourments. Cette horrible tentation devint à la fin si forte, que je fus obligé de quitter brusquement sa main, pour passer à la pointe du bateau.

Là mes vives agitations commencèrent à prendre un autre cours ; un sentiment plus doux s'insinua peu à peu dans mon âme, l’attendrissement surmonta le désespoir, je me mis à verser des torrents de larmes, et cet état, comparé à celui dont je sortais, n'était pas sans quelques plaisirs. Je pleurai fortement, longtemps, et fus soulagé. Quand je me trouvai bien remis, je revins auprès de Julie ; je repris sa main. Elle tenait son mouchoir ; je le sentis fort mouillé. " Ah ! lui dis-je tout bas, je vois que nos coeurs n'ont jamais cessé de s'entendre ! - Il est vrai, dit-elle d'une voix altérée ; mais que ce soit la dernière fois qu'ils auront parlé sur ce ton."


EXTRAIT 2 : Balzac, Illusions perdues II (1837- 1843)

" Deux jours après, le vieux Doguereau, surpris du style que Lucien avait dépensé dans sa première œuvre, enchanté de l'exagération des caractères qu'admettait l'époque où se développait le drame, frappé de la fougue d'imagination avec laquelle un jeune auteur dessine toujours son premier plan, il n'était pas gâté, le père Doguereau ! vint à l'hôtel où demeurait son Walter Scott en herbe. Il était décidé à payer mille francs la propriété entière de l'Archer de Charles IX, et à lier Lucien par un traité pour plusieurs ouvrages. En voyant l'hôtel, le vieux renard se ravisa. — Un jeune homme logé là n'a que des goûts modestes, il aime l'étude, le travail ; je peux ne lui donner que huit cents francs. L'hôtesse, à laquelle il demanda monsieur Lucien de Rubempré, lui répondit : — Au quatrième ! Le libraire leva le nez, et n'aperçut que le ciel au-dessus du quatrième. — Ce jeune homme, pensa-t-il, est joli garçon, il est même très-beau ; s'il gagnait trop d'argent, il se dissiperait, il ne travaillerait plus. Dans notre intérêt commun, je lui offrirai six cents francs ; mais en argent, pas de billets. Il monta l'escalier, frappa trois coups à la porte de Lucien, qui vint ouvrir. La chambre était d'une nudité désespérante. Il y avait sur la table un bol de lait et une flûte de deux sous. Ce denûment du génie frappa le bonhomme Doguereau.
— Qu'il conserve, pensa-t-il, ces mœurs simples, cette frugalité, ces modestes besoins. J'éprouve du plaisir à vous voir, dit-il à Lucien. Voilà, monsieur, comment vivait Jean-Jacques, avec lequel vous aurez plus d'un rapport. Dans ces logements-ci brille le feu du génie et se composent les bons ouvrages. Voilà comment devraient vivre les gens de lettres, au lieu de faire ripaille dans les cafés, dans les restaurants, d'y perdre leur temps, leur talent et notre argent. Il s'assit. — Jeune homme, votre roman n'est pas mal. J'ai été professeur de rhétorique, je connais l'histoire de France ; il y a d'excellentes choses. Enfin vous avez de l'avenir.
— Ah ! monsieur.
— Non, je vous le dis, nous pouvons faire des affaires ensemble. Je vous achète votre roman...
Le cœur de Lucien s'épanouit, il palpitait d'aise, il allait entrer dans le monde littéraire, il serait enfin imprimé.
— Je vous l'achète quatre cents francs, dit Doguereau d'un ton mielleux et en regardant Lucien d'un air qui semblait annoncer un effort de générosité.
— Le volume ? dit Lucien.
— Le roman, dit Doguereau sans s'étonner de la surprise de Lucien. Mais, ajouta-t-il, ce sera comptant. Vous vous engagerez à m'en faire deux par an pendant six ans. "

EXTRAIT 3 : Maupassant ; Bel-ami chapitre 3 (1885)

Quand Georges Duroy se retrouva dans la rue, il hésita sur ce qu'il ferait. Il avait envie de courir, de rêver, d'aller devant lui en songeant à l'avenir et en respirant l'air doux de la nuit; mais la pensée de la série d'articles demandés par le père Walter le poursuivait, et il se décida à rentrer tout de suite pour se mettre au travail.

Il revint à grands pas, gagna le boulevard extérieur, et le suivit jusqu'à la rue Boursault qu'il habitait. Sa maison, haute de six étages, était peuplée par vingt petits ménages ouvriers et bourgeois, et il éprouva en montant l'escalier, dont il éclairait avec des allumettes-bougies les marches sales où traînaient des bouts de papiers, des bouts de cigarettes, des épluchures de cuisine, une écœurante sensation de dégoût et une hâte de sortir de là, de loger comme les hommes riches, en des demeures propres, avec des tapis. Une odeur lourde de nourriture, de fosse d'aisances et d'humanité, une odeur stagnante de crasse et de vieille muraille, qu'aucun courant d'air n'eût pu chasser de ce logis, l'emplissait du haut en bas.

La chambre du jeune homme, au cinquième étage, donnait, comme sur un abîme profond, sur l'immense tranchée du chemin de fer de l'Ouest, juste au-dessus de la sortie du tunnel, près de la gare des Batignolles. Duroy ouvrit sa fenêtre et s'accouda sur l'appui de fer rouillé.

Au-dessous de lui, dans le fond du trou sombre, trois signaux rouges immobiles avaient l'air de gros yeux de bête; et plus loin on en voyait d'autres, et encore d'autres, encore plus loin. A tout instant des coups de sifflet prolongés ou courts passaient dans la nuit, les uns proches, les autres à peine perceptibles, venus de là-bas, du côté d'Asnières. Ils avaient des modulations comme des appels de voix. Un d'eux se rapprochait, poussant toujours son cri plaintif qui grandissait de seconde en seconde, et bientôt une grosse lumière jaune apparut, courant avec un grand bruit; et Duroy regarda le long chapelet des wagons s'engouffrer sous le tunnel.

Puis il se dit: " Allons, au travail!" Il posa sa lumière sur sa table; mais au moment de se mettre à écrire, il s'aperçut qu'il n'avait chez lui qu'un cahier de papier à lettres.

Où j'en suis dans mon devoir

Je pense tout d'abord faire mon plan avec 3 parties pour 3 textes.

Texte de rousseau : Focalisation interne ; narrateur personnage "nous" ; "je" ; "mon" ... Ce décor est donc uniquement perçu par le personnage Saint-preux. Cadre naturel , retentissement immédiat du sentiment vécu exprimé de facon lyrique dans sa vérité passionnée.

Texte de Balzac : J'hésite entre focalisation externe ou omniscient

Texte de Maupassant : Le narrateur est extérieur au récit mais est ce que la focalisation est interne puisque tout est ressenti et vécu par le personnage, ou si c'est une focalisation omnisciente.

AIDEZ MOI S'il vous plait . Merci d'avance



1 commentaire pour ce devoir


Anonyme
Posté le 11 déc. 2010
N'oublie pas que la mélancolie et les larmes sont paertagées par Julie...bonne analyse:le décor est partie intégrante des personnages chez Rousseau,là on est déjà en plein romantisme.
Chez Balzac c'est le matérialisme externe qui domine:on passe de 1000 francs à 600 puis à 400...Maupassant offre une focalisation
omnisciente

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