Corpus de textes : Denis Diderot, Jacques Lacarrière, Victor Segalen

Publié le 14 nov. 2013 il y a 10A par Anonyme - Fin › 21 déc. 2013 dans 10A
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Sujet du devoir

TEXTE A:
Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville (1796)

Dans cet ouvrage, Diderot imagine un supplément au récit de voyage que fit l’explorateur
Bougainville en 1771, lorsqu’il revint de son tour du monde. Deux voyageurs, A et B, discutent
sur les différentes étapes de ce récit. Le texte que nous étudions rapporte le soi-disant
dialogue, tenu entre un vieux chef tahitien et le navigateur qui s’apprête à quitter avec ses
hommes l’île de Tahiti. C’est le chef tahitien qui parle.

Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ?
t’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t’avons-nous associé dans nos
champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous
nos moeurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point
troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est
nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous
n’avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de
quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos
cabanes, qu’y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu’où tu voudras ce que tu appelles lescommodités de la vie ; mais permets à des êtres sensés de s’arrêter, lorsqu’ils n’auraient
à obtenir, de la continuité de leurs pénibles efforts, que des biens imaginaires. Si tu nous
persuades de franchir l’étroite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler ? Quand
jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la
moindre qu’il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta
contrée t’agiter, te tourmenter tant que tu voudras, laisse-nous reposer : ne nous entête ni
de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Regarde ces hommes ; vois comme ils
sont droits, sains et robustes. Regarde ces femmes ; vois comme elles sont droites, saines,
fraîches et belles. Prends cet arc, c’est le mien ; appelle à ton aide un, deux, trois, quatre de
tes camarades, et tâchez de le tendre. Je le tends moi seul. Je laboure la terre ; je grimpe la
montagne ; je perce la forêt ; je parcours une lieue de la plaine en moins d’une heure. Tes
jeunes compagnons ont eu peine à me suivre ; et j’ai quatre-vingt-dix ans passés.

TEXTE B: Jacques Lacarrière, L’Été grec (1975)

Jacques Lacarrière (1925-2005) journaliste et écrivain, s’est très tôt passionné pour la Grèce,
aussi bien antique que moderne. Son ouvrage, L’Été grec, est à la fois un essai, un carnet
de voyage et un hommage rendu au peuple et à la terre grecs. Il semble écrit au fil de ses
découvertes.

« Il est difficile de définir avec précision les frontières séparant ce que j’appellerai
l’hospitalité rituelle – celle que l’on reçoit par principe dès qu’on se trouve dans un village
grec ou crétois dépourvu d’hôtel – de l’hospitalité réelle, celle que l’on vous propose parce
que l’on tient à vous avoir, à vous garder. Passer de l’un à l’autre, devenir hôte recherché
après n’avoir été qu’hôte accueilli, ne dépend plus que de vous-même. Ce changement repose
sur mille attitudes de détail, mille signes devenus aujourd’hui sans valeur mais qui ont dû
jouer un grand rôle autrefois quand l’hospitalité était le seul mode d’accueil et de rencontre
des groupes ou des individus. Ces signes ? Eh bien votre tête, pour commencer, l’impression
immédiate que vous donnez avec votre regard, votre visage (car l’habillement, l’allure ne
viennent que bien ensuite : ceux-là on peut les fabriquer comme on veut, se donner l’apparence
qu’on veut mais on ne change pas le sens, la profondeur ou la malignité de son regard),
impression qui repose bien entendu sur quelque substrat inconscient et qui fait qu’on vous
ressent d’emblée comme bénéfique ou indifférent, amical ou hostile, proche ou lointain. Et
puis votre attitude, votre comportement à l’égard du nouveau milieu et de ses habitudes (ce
qui n’est pas toujours sans problèmes concrets, drôles ou pénibles selon les cas), attitude
qui doit faire de vous un hôte à la fois invisible et présent : invisible parce que vous devez
oublier vos propres habitudes, vous fondre autant que possible dans le nouveau milieu,
présent parce qu’au fond, ce qu’on attend de vous n’est pas que vous deveniez brusquement
crétois pour un seul soir, mais d’être et de rester un visiteur français chez les Crétois, avec
tout ce que vous pouvez apporter, fournir à votre tour d’insolite ou simplement de méconnu.
Ces remarques paraîtront peut-être banales et superflues et pourtant, ces voyages dans
la Crète du sud où, pendant des jours et des jours je n’ai vécu qu’ainsi, de village en village,
de familles en familles, d’hôtes en hôtes, ces voyages n’ont pas seulement métamorphosé
les habitudes de mon corps mais surtout ma façon d’être avec les autres. Ils ont créé en
moi ce goût, ce besoin même de rencontres avec les inconnus, cette confiance immédiate
à l’égard d’autrui (qui en dépit de tous les pronostics n’a jamais été démentie par les faitsdepuis tant et tant d’années que je voyage ainsi, à croire que parmi les signes invisibles et
nécessaires à ces rencontres, figure d’abord la confiance). Rien de tout cela ne s’apprend
évidemment à la Sorbonne ni à aucune autre école mais seulement sur le terrain, au sens
propre du terme : savoir se faire accepter par les autres, arriver à l’improviste sans être jamais
un intrus, rester entièrement soi-même tout en renonçant à ses acquis et à ses habitudes,
bref devenir autonome à l’égard de sa naissance et lié à tous les lieux, à tous les êtres qu’on
rencontre, c’est cela que m’apprit la Crète. Là, dans ces villages misérables, au milieu de
ces familles si pauvres et si chaleureuses pourtant, j’ai pu enfin me délivrer du lieu de ma
naissance, rompre ce faux cordon ombilical que tant d’êtres traînent avec eux toute leur vie.
Là, j’ai commencé mon apprentissage de véritable voyageur. Qu’est-ce, me direz-vous, qu’un
véritable voyageur ? Celui qui, en chaque pays parcouru, par la seule rencontre des autres et
l’oubli nécessaire de lui-même, y recommence sa naissance ».

TEXTE C: Victor Segalen, Essai sur l’exotisme (1978)

Victor Segalen est un médecin, ethnologue, archéologue français (1878-1919) qui a vécu en
Polynésie et en Chine. Il a longuement travaillé sur les stèles funéraires de la dynastie Han
(de 200 av. J.C. à 200 ap. J.C.) et il a publié des rapports archéologiques et des romans (Les
Immémoriaux en 1907, Stèles en 1912, René Leys en 1922). Beaucoup ont été publiés après
sa mort accidentelle en 1919, réunis sous le titre d’’Essai sur l’exotisme. Il a renouvelé l’image
de l’exotisme, en refusant l’aspect naïf et un peu fier avec lesquels les écrivains « exotiques »
de son époque découvraient ces contrées jusque-là peu visitées.

« Avant tout, déblayer le terrain. Jeter par-dessus bord tout ce que contient de mésusé
et de rance ce mot d’exotisme. Le dépouiller de tous ses oripeaux : le palmier et le chameau ;
casque de colonial ; peaux noires et soleil jaune ; et du même coup se débarrasser de tous
ceux qui les employèrent avec une faconde niaise (...)
Puis, dépouiller ensuite le mot d’exotisme de son acception seulement tropicale, seulement
géographique. L’exotisme n’est pas seulement donné dans l’espace, mais également
en fonction du temps.
Et en arriver très vite à définir, à poser la sensation d’Exotisme : qui n’est autre que la
notion du différent ; la perception du Divers ; la connaissance que quelque chose n’est pas
soi-même ; et le pouvoir d’exotisme, qui n’est que le pouvoir de concevoir autre.
En étant arrivé à ce Rétrécissement progressif d’une notion si vaste en apparence
qu’elle semblait, au début, comprendre le Monde et les Mondes ; l’ayant dépouillée des
scories innombrables, des bavures, des taches, des ferments et des moisissures qu’un si long
usage – tant de bouches, tant de mains prostitueuses et touristes – lui avaient laissées ; la
possédant enfin, cette notion, à l’état d’idée claire et toute vive, laissons-lui reprendre chair,
et comme un germe, cette fois pur, se développer librement, joyeusement, sans entraves
mais sans surcharges ; s’emparer de toutes les richesses sensorielles et intelligibles qu’elle
rencontrera dans son élargissement et, se gonflant de tout, à son tour embellir et revivifier
tout (...)L’exotisme n’est donc pas une adaptation ; n’est donc pas la compréhension parfaite
d’un hors soi-même qu’on étreindrait en soi, mais la perception aiguë et immédiate d’une
incompréhensibilité éternelle.
Partons donc de cet aveu d’impénétrabilité. Ne nous flattons pas d’assimiler les
moeurs, les races, les nations, les autres ; mais au contraire réjouissons-nous de ne le pouvoir
jamais ; nous réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de sentir le Divers. (C’est ici que
pourrait se placer ce doute : augmenter notre faculté de percevoir le Divers, est-ce rétrécir
notre personnalité ou l’enrichir ? Est-ce lui voler quelque chose ou la rendre plus nombreuse ?
Nul doute : c’est l’enrichir abondamment, de tout l’Univers. (...)
Et c’est notre première expérience d’exotisme. Le monde extérieur est ce qui se différencie
aussitôt de nous. L’on va fuir les anciennes disputes sur la réalité des choses. Oh !
Qu’importe ! si elles nous émeuvent. Or le sentiment de nature n’exista qu’au moment où
l’homme sut la concevoir différente de lui ».

QUESTION
Quel regard les auteurs de ces textes portent-ils sur l’autre et sur eux-mêmes ?

Où j'en suis dans mon devoir

Je n'ai encore rien fais, je n'y arrive pas.



1 commentaire pour ce devoir


Anonyme
Posté le 14 nov. 2013
bonjour juju.45

Ne t'attends pas à avoir de l'aide car compte-tenu de la longueur des textes postés cela rebute l'intervenant et de plus ton "où j'en suis" est vide d'ébauche de travail.

flower

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